L'ogre rouge américain de la SVOD approche petit à petit de la France et alors que les parlementaires et les acteurs historiques du secteur préparent leurs stratégies pour résister à la tempête, voici quelques raisons pour lesquelles l'arrivée de Netflix en France est une bonne nouvelle pour les utilisateurs que nous sommes.
C'est quoi Netflix ?
Commençons par le commencement en expliquant précisément ce qu'est Netflix. Il s'agit d'un service de SVOD (vidéo à la demande par abonnement) qui permet de voir de façon illimitée un nombre conséquent de films et de séries télé légalement par Internet contre un abonnement de quelques dollars. Aux Etats-Unis, cela coûte 7,99$ et plus près de chez nous, aux Pays-Bas, l'abonnement coûte 7,99€ par mois. En France, des services similaires existent et nous en avions fait un petit comparatif que vous pouvez lire ici.
Pourquoi Netflix prend autant de temps à s'installer en France ?
L'arrivée de Netflix en France est annoncée depuis des années. Ce sont d'ailleurs toujours des rumeurs encore non confirmées par l'intéressé lui-même. Quelles sont donc les spécificités du marché français qui compliquent son arrivée ?
- La chronologie des médias.
La chronologie des médias est cette loi qui régit quand et comment doit sortir un film en France. En gros, elle se décompose comme suit :
- Instant T : Un film sort au cinéma.
- Instant T + 4 mois : Le film est disponible en DVD/Blu-Ray/VOD (à l'unité).
- Instant T + 10 mois : Le film est potentiellement diffusable sur Canal +.
- Instant T + 12-30 mois : Le film est potentiellement diffusable sur les autres chaines (gratuites ou non).
- Instant T + 36 mois : Le film peut être potentiellement ajouté au catalogue d'une plateforme de SVOD.
Tu vois peut-être où je veux en venir avec ce petit explicatif : les films présents dans les catalogues des services de SVOD sont au minimum vieux de 3 ans, sauf cas spéciaux. Ce n'est pas un désavantage propre à Netflix mais à tous les acteurs des services de SVOD.
- L'exception culturelle française.
On définit par cette expression tous les mécanismes d'aides à la création. Dans le cinéma, ce sont des pourcentages prélevés sur chaque billet pour alimenter un fond d'aide à la création etc. En gros, c'est un cercle vertueux qui ponctionne ici pour redonner là et ainsi alimenter la grande roue de la création française. Chaque service de diffusion des films contribue ainsi à ce financement et si Netflix venait à s'installer en France, il devrait lui aussi se conformer à cela. Cela peut être un petit obstacle puisque cela impacterait sa rentabilité. Il devrait également se conformer à certaines règles de diffusion prioritaire de films ou séries françaises et européennes, là où son catalogue est généralement composé d'oeuvres américaines.
- Les "géants" du secteur déjà en place.
Cela doit être le problème le moins difficile à surmonter de cette liste tant les géants du secteur craignent l'arrivée de Netflix comme la peste. Ils auront beau dire le contraire, prétexter un marché de la VOD anémique en France, il faut pourtant bien avouer que la mécanique Netflix est bien rodée et qu'elle devrait déferler sur la France comme une vague que personne ne pourra arrêter. Le principal adversaire de Netflix, c'est Canal + (avec son service Canalplay) qui vient justement de créer une division spécialisée appelée "Canal 0TT" pour Over-the-top. Voilà donc un acteur historique du secteur qui décide quelques mois avant l'arrivée du géant de se munir enfin d'armes potentielles pour repousser l'envahisseur. C'est peut-être déjà trop tard tant l'aura de Netflix est déjà connue en France, au moins auprès des personnes qui s'intéressent un peu aux films et séries.
Que peut nous apporter concrètement Netflix ?
- Un catalogue plus fourni.
A ce stade, nous sommes réduits à conjecturer mais si je devais parier sur le visage du catalogue de Netflix, je miserais sur une prépondérance de films inédits en France, parce que jamais achetés par des distributeurs français. C'est là que les amateurs de films romantiques que nous sommes se retrouveraient dans un service comme Netflix.
Je peux nommer des dizaines de films dont nous avons parlé ici sur ce site et qui ne sont jamais sortis chez nous. Netflix dépense une somme considérable à l'achat de droits d'exploitation de films (2 milliards de dollars en 2013, le double à l'avenir selon Pascal Lechevallier, expert de la VOD), chose que ne sont pas en mesure de faire les services actuellement disponibles en France, parce que trop fragiles financièrement. La logique de Netflix est de se dire qu'il y a un public pour tous les types de films, donc autant proposer un catalogue considérable pour que chacun s'y retrouve. On est loin de la logique économique qui guide les distributeurs français lors des sorties en salle.
On pourrait donc imaginer des dizaines de films romantiques inédits ainsi disponibles pour nous via Netflix, avec des sous-titres français (le doublage n'étant pas une obligation). C'est là que se jouera, à mon sens, la valeur ajoutée de Netflix puisque ces films indépendants ne seraient plus soumis à la chronologie des médias évoquée plus haut. Rappelez-vous aussi qu'un film non-sorti en France n'est pas synonyme de mauvais film, bien au contraire.
- Le consommateur à nouveau au centre de l'équation.
Un catalogue fourni, avec des films indépendants ou inédits, permettrait également de remettre au centre du jeu le consommateur que nous sommes. Après des années pendant lesquelles les distributeurs ont choisi ce que nous allions voir au ciné, en DVD, en VOD, l'arrivée de Netflix amènerait un foisonnement du catalogue qui irait bien au-delà de ce que sont en mesure d'offrir les services existants. Il existe un public pour chaque film et Netflix nous laissera la possibilité de nous faire notre propre idée. Il y aura peut-être des limites, comme toujours, mais je les imagine déjà bien moins handicapantes que celles de CanalPlay et autres, qui prennent rarement le risque de proposer des films inédits, sauf s'ils peuvent mettre une fille en sous-vêtements sur la jaquette. Bah oui, c'est plus vendeur, tu vois. Peu importe la qualité du film.
Le problème de CanalPlay est qu'il est affilié à Canal+, grand argentier du ciné français et principal adversaire d'une réforme de la chronologie des médias, quitte à sacrifier CanalPlay dans le procédé. Pour tous ces acteurs du secteur (sauf peut-être VideoFutur), le consommateur n'est jamais au centre des préoccupations puisqu'il y a toujours des intérêts ciné à protéger. L'arrivée de Netflix devrait être similaire à l'arrivée de Free dans le secteur des télécommunications avec des règles du jeu complètement chamboulées et des avancées au final pour le consommateur. Un bon coup de pied dans la fourmilière en quelques sortes.
Parce que le challenge réside là. Dans le consommateur. Toi, moi. C'est nous qui payons au final, nous qui faisons tourner la roue. Il faut donc nous proposer quelque chose de simple, pas cher, bien fourni pour nous empêcher d'aller télécharger illégalement des films et ainsi nous réapprendre à payer pour nos films. Pourquoi s'embêter à télécharger illégalement quand on peut payer quelques euros pour un catalogue digne de ce nom ? C'est la question à laquelle n'ont pas encore su répondre les acteurs présents du secteur de la SVOD et du ciné, les parlementaires, bien trop occupés à faire du lobby pour toujours plus de sanctions judiciaires envers les pirates sans jamais proposer d'alternative intéressante. Netflix, l'outsider venu d'ailleurs, aura sûrement une réponse à cette problématique, basée sur ses expériences passées. Réponse que nous connaitrons dans quelques mois puisque la rumeur annonce septembre 2014 comme ligne de mire.
Vodkaster - Riplay, l'alternative pas bête.
Nouvel exemple que la résistance française s'organise avant l'arrivée de Netflix, l'annonce de la fusion entre le réseau social de ciné Vodkaster (sur lequel nous sommes présents) et le service Riplay qui vous propose de numériser vos DVDs pour les consulter à distance via Internet.
Je prends un exemple : j'ai dans ma DVDthèque "French kiss" avec Meg Ryan et Kevin Kline, film que je n'aime pas vraiment et dont j'aimerais me débarrasser. Or, le secteur du DVD est un peu moribond et, à moins de le vendre sur leboncoin, il est peu probable que des gens en veuillent. J'envoie donc mon DVD à Vodkaster/Riplay qui le numérise pour moi. Ils conservent mon DVD dans leurs stocks et me permettent de le regarder à distance si j'en ai envie. Mais je peux décider de le revendre via leur plate-forme pour un prix dérisoire. La personne qui l'achète pourra donc le voir via internet, éventuellement le rapatrier chez elle en DVD si elle en a envie ou bien le revendre directement une fois après l'avoir vu, sans jamais avoir eu le DVD entre les mains.
Ce n'est donc pas de la VOD à proprement parler mais de la vente de DVD à distance avec visionnage du film via Internet. L'idée n'est vraiment pas bête et contourne habilement la chronologie des médias puisque la fenêtre d'exploitation du film dans ce cas précis est celle du DVD, donc à partir de 4 mois après la sortie cinéma, sans interruption sur la durée. Le système repose par contre sur la disponibilité des films mis en vente par ses membres mais en l'état, voilà un système qui pourrait intéresser les personnes avec une grande DVDthèque, comme moi. Qui vivra verra mais les prochains mois s'annoncent en tous cas passionnants pour les gros consommateurs de films, romantiques ou non.
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