Pour ce premier numéro de Versus, une rubrique qu'elle a imaginée, notre fidèle Lovenaute Valmont a choisi de vous parler de "Sabrina". Derrière ce prénom se cache une belle histoire : celle de la fille d'un chauffeur de maître qui se croit amoureuse du fils de la maison.
Les affiches...
L'affiche hollywoodienne, dessinée, des années 50 est très colorée et aguichante comme l'était la plupart des affiches de l'époque. Elle tranche avec l'affiche du remake datant de 1995, beaucoup plus mystérieuse et glamour suscitant l'intérêt chez le public, une envie d'en savoir davantage. De plus, les couleurs sont équilibrées, le rouge se mariant intelligemment avec le noir et créant une certaine sophistication. On remarquera simplement une certaine similitude dans l'écriture des deux titres, comme s'ils avaient été écrits de la main de quelqu'un.
La musique...
La BO n'a rien d'extraordinaire dans la version de Wilder. Par contre, celle de 1995 est digne d'un bon film romantique, à la hauteur de l'histoire grâce au piano notamment.
L'interprétation...
Il est difficile de comparer les acteurs puisqu'ils appartiennent à des époques différentes : si en 1954 on se permet moins de choses, on est plus réservé et discret, en 1995, il en est autrement. Sans tomber dans l'exagération, les interprètes de Pollack ont nuancé leur jeu, restant relativement fidèles à l'original sans surjouer (comme c'est le cas de William Holden / David Larrabee qui exagère grossièrement certains passages). Certaines scènes favorisent l'échange de regards ou le frôlement des corps entre les personnages et permettent la naissance d'une alchimie entre les acteurs. Cette entente est peut-être plus criante et plus sensuelle.
L'histoire...
L'histoire repose sur une sorte de conte moderne sur fond de lutte des classes comme je l'ai déjà écrit dans ma critique de "Sabrina" (1954). A Long Island, vit la famille Larrabee. Sa richesse est telle qu'elle fait l'objet d'une énumération dans les deux films, à l'identique, permettant de mettre en lumière l'insignifiance de la jeune femme.
Dans la première version, les Larrabee prospèrent dans plusieurs domaines industriels dont le plastique. Dans la seconde version, les Larrabee ont le monopole des télécommunications.
Sabrina Fairchild amoureuse de David, le fils cadet qui ne la remarque pas, part pour Paris afin d'y apprendre la grande cuisine (C'est une vision un peu machiste de la femme, n'est-ce pas ?). Plus moderne, la seconde version lui apprend à exercer son œil et l'imagine photographe. Intervient ainsi toute une pléiade d'acteurs français tels que Fanny Ardant ou encore Patrick Bruel.
À son retour de Paris, elle est transformée et devient un obstacle entre les deux frères Larrabee. Linus Larrabee, le fils aîné, provoque l'anecdote des flûtes à champagne dans les deux versions mais sa rencontre pour négocier avec Sabrina diffère. Dans la version de 1954, ils se voient sur le cour de tennis couvert, lieu très impersonnel alors que la version de 1995 nous propose un lieu plus propice à l'amour, la serre, agrémentée d'un canapé et de chandelles. Le trouble ressenti par les deux personnages est plus profond.
Dans cette scène, Linus est censé transmettre un message de David à Sabrina. Il en profite pour l'embrasser. Or la réaction de Sabrina dans les deux films diffère totalement. Dans l'un, la timide Audrey Hepburn subit sans rien dire, appréciant même, tandis que Julia Ormond inflige une gifle magistrale à Linus.
Plus tard, Linus décide de détourner l'attention de Sabrina et tente de lui faire tourner la tête en proposant une image de lui opposée à celle qu'elle a toujours connu, à savoir l'homme froid et dur en affaire. Humphrey Bogart se transforme en marin un peu malhabile (avec un essayage comique de costume marin) ou en cavalier d'une soirée. Pour sa part, Harrison Ford demande à Sabrina de faire des photos d'une maison qu'il a soi-disant l'intention de vendre. C'est assez habile de la part du réalisateur puisque dans cette version, le métier de Sabrina est mis au premier plan et la valorise auprès de Linus.
Peu après, dans le film original, on les voit ainsi revenir du restaurant en voiture, Sabrina chantant « La vie en rose » pour Linus. La version plus récente innove en variant les situations. Les deux personnages se retrouvent tour à tour en jet privé, à Martha's Vignard où Linus possède une superbe maison, font du vélo, pic niquent sur la plage, vont au restaurant marocain, etc... L'ensemble apparaît plus varié mais une réplique de Sabrina dans la seconde version me vient à l'esprit : «L'abondance n'est pas toujours un bien, Linus, ce n'est que l'abondance.» En effet, la sobriété de la première version rend le film de Billy Wilder un peu plus monotone mais on se concentre sur l'essentiel. La version de Sydney Pollack donne davantage de rythme, est plus dynamique mais pêche peut-être par une trop grande variété de situations (surtout par rapport à l'original).
Cependant, l'intrigue amoureuse est plus sensuelle compte tenue de l'époque. Alors que Bogart reste distant, Ford tente mainte fois un rapprochement. Une des dernières scènes où il lui dit la vérité contraste fortement avec la version originale. Ils se retrouvent dans le bureau et ils se rapprochent mutuellement l'un de l'autre, extrêmement troublés par leur proximité réciproque : c'est LA scène romantique du film de Pollack (si on ne compte pas la fin). Wilder reste plus discret, se contentant de filmer l'évolution de leurs sentiments qui apparaît sur leurs visages, leurs luttes intérieures : ils passent successivement par la timidité, l'incrédulité, la joie, l'intense déception.
Enfin et pour finir, la scène finale où les personnages se retrouvent : le couple Bogart / Hepburn se rejoignent sur le transatlantique alors que Ford / Ormond se retrouvent à Paris. La version de 1954 est drôle et touchante au vu des réactions des deux protagonistes. La version de 1995 est pleine de tension, de désirs inassouvis et le suspense est présent jusqu'au bout : Sabrina va-t-elle pardonner à Linus ? S'en suit un baiser fiévreux sur un pont qui surplombe la Seine.
Et voilà, c'est tout pour ce premier numéro de "Versus" ! Et vous, quelle version est votre préférée ?
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Gribouille70 (vendredi, 20 janvier 2012 13:21)
J'ai pas vu le remake donc je ne vais pas pouvoir dire grand chose à part que je regarde rarement voir pas du tout les remakes de mes films cultes ;-) j'ai trop de mal.
daniele-paillard@orange.fr (jeudi, 31 mai 2012 16:27)
j'ai vu les deux films et j'avais beaucoup aimé le premier avec Humphrey Bogart, mais bien que cela reste un conte de fée je trouve celui avec Harrison Ford beaudoup plus réaliste on y croit davantage.
verosteo (mardi, 12 juin 2012 22:26)
j'ai adoré les deux....mais je trouve que acteur et réalisateur se permettent plus de liberté et donc plus de réalité dans le remake; pari pris et largement réussi pour moi