Pour ma première chronique écrite sur ce site, j’ai décidé de revenir sur le film “Elle
est trop bien” (ou “She’s all that”), cette comédie romantique
médiocre qui aurait pu être excellente. J’espère que tu l’as vu sinon tu ne vas rien comprendre et tu te feras spoiler des trucs en prime ! Ce film, malgré la maturité, malgré la vague
d’ultra-réalisme absolument géniale que le cinéma américain traverse depuis le 11 septembre, je l’aime encore... et j’ai un peu honte j’avoue. Donc je vais le démolir un peu pour me punir, puis
je reviendrai sur ses aspects positifs. Ne t’inquiètes pas petit lovenaute, tout est sous contrôle. Le résumé d’après Wikipédia (t’en as de la chance) : Zach (Freddie Prinze Jr.) est un lycéen
très populaire et capitaine de son équipe de soccer. Mais lorsque sa petite amie Taylor (Jodi Lyn O'Keefe) lui annonce que c'est terminé entre eux, sa réputation en prend un coup. Pourtant il ne
se laisse pas abattre, il parie avec son meilleur ami et rival Dean (Paul Walker) que n'importe quelle fille peut remporter le titre de "reine du bal" de fin d'année. Dean doit choisir la fille
et il choisit Laney (Rachael Leigh Cook) une artiste marginale n'ayant en tête que ses tableaux d'art et ses étranges spectacles. Zach n'est pas d'accord avec son choix mais pourtant au fil des
semaines, une amitié va naître entre eux.
Jadis, ma petite sœur regardait des teen-movies à deux centimes (de francs, car cette introduction se situe entre 1999 et 2000). Je la soupçonne de toujours le faire mais j’avoue que ça
ne me gêne plus du tout car c’est grâce à elle que j’ai découvert “Elle est trop
bien” sur une cassette VHS foireuse qu’une de ses copines lui avait prêté. Je suis entré dans le salon lors de la scène dans laquelle Laney descend les marches en robe rouge. La
musique (“Kiss me” de Sixpence none the richer) combinée à la divine Rachael Leigh Cook et à mes hormones d’ado fleur bleue ont créé un paradoxe dans ma cinéphilie élitiste de petit
branleur. Malgré l’image dégueulasse sur notre petit combi 36cm, j’allais vouer une incroyable passion pour ce film, reconnaissant l’intégralité de ses défauts et ayant même tenter d’en modifier
le montage sur mon Pinnacle Studio 8 de l’époque, aussi connu sous le nom de “logiciel de Satan” (à cause de ses plantages intempestifs).
Bien sûr, j’avais entendu parler de “Elle est trop bien”, mon cd-rom
Ciné-Live contenait la bande-annonce, mais je n’y avais pas prêté attention à sa sortie. Pourquoi j’aime encore ce film ? Parce qu’il me rappelle une période sympa de ma vie et surtout qu’il a,
malgré ses nombreux détracteurs, une communauté de fans et une aura mystérieuse. “Elle
est trop bien” est un film teen movie très moyen alors qu’il avait presque tous les ingrédients pour devenir un véritable film romantique culte. Robert Iscove (le
réalisateur) a dit : "Nous avons tenté de créer une ambiance dans laquelle n'importe qui, âgé de 14, 40 ou 80 ans, puisse se reconnaître, où qu'il vive. Chacun de nous s'est déjà senti brimé,
marginalisé et chacun a eu envie d'être aimé pour lui-même, par delà la façade qu'il présente au reste du monde." Derrière ce joli discours très américain se cache une intention de bien
faire, mais sans talent malheureusement. L’idée de base de “Elle est trop
bien” est bonne, ses défauts résident surtout dans son casting général, ses dialogues insipides, la gestion des seconds rôles et des intrigues secondaires, le manque cruel de rythme
et quelques faux pas concernant certaines scènes importantes.
J’aime Rachael Leigh Cook d’un amour pur et sincère depuis mes 16 ans donc je ne dirai rien de mal sur elle… mais ce n’est surement pas dans ce film qu’elle a eu l’occasion de nous prouver ses talents d’actrices. Rachael, je t’aime. Pardon… Je n’ai jamais compris le choix de Freddie Prinze Jr. pour le rôle masculin, il a une coiffure improbable (bonjour les pattes 70’s) et zéro charisme ! Je passe sur le regretté Paul Walker et son second rôle de méchant stupide pour parler de Preston, le “copain black” juste là pour sourire et sortir trois répliques se voulant comiques en fond de scène. On sent que l’acteur Dulé Hill en avait plus que ça dans le ventre. Mais après tout, pourquoi s’embêter à créer un sidekick comique valable quand il suffit d’aller piocher dans l’annuaire des potes de teen-movie et de prendre l’un des plus gros stéréotypes de la culture sitcom des années 90 ? C’est classique dans le cinéma américain et oui, on peut parler d’une forme de racisme.
En parlant de haine, Laney nous est présentée comme une “artiste” très douée. Donc, selon le scénariste, une artiste douée est une flippée qui s’habille comme un sac, ne parle à personne, peint
des croutes macabres et fait du théâtre psychédélique le soir dans Los Angeles avec des gens chelou alors même qu’elle n’a jamais mis les pieds dans une soirée étudiante. Ce personnage a été créé
par un scénariste ignorant ce qu’étudier l’art veut dire, il ne s’agit pas tous de perchés se baladant avec des pinceaux dans leurs poches et de la peinture sur les chaussures. Quant au père de
Laney, il ne semble pas spécialement impliqué dans la vie de sa fille sauf quand c’est pour la pousser dans les bras d’un garçon qui l’a utilisé plus tôt dans le film. Il ne s’inquiète pas non
plus quand elle est introuvable et théoriquement dans un hôtel avec un gars qui a de mauvaises intentions) ! Les seuls à sortir du lot sont Mackenzie (la sœur de Zach) et Jesse, le meilleur ami
de Laney (interprétés par Anna Paquin et Elden Henson).
Le mystère du scénariste : M. Night Shyamalan (le réalisateur du chef d’œuvre “Sixième sens”) a raconté en 2013 qu’il était le scénariste fantôme de “She’s all that”. En gros, il aurait écrit ou réécrit des scènes et des dialogues en refusant d’être crédité au générique ; il fallait bien qu’il mange le pauvre ! Toujours est-il que le “vrai” scénariste, R. Lee Fleming Jr., a répondu à cela sur Twitter : “Seulement dans ses rêves”. Cependant, les pages concernant R. Lee Fleming Jr. sont mal renseignées ou carrément inexistantes ! Un journaliste américain a cherché, Il semblerait qu’un certain R. Lee Fleming Jr. soit bien scénariste et qu’il vive au Texas, travaillant par moment à Los Angeles. Mais en admettant que cela soit monté de toute pièce par des producteurs ne voulant pas voir Shyamalan mêlé à un film tel que “She’s all that”, je ne vois que deux explications : Soit R. Lee Fleming Jr. est un Alan Smithee version scénariste (je te laisse chercher la référence sur l’internet), soit M. Night Shyamalan EST R. Lee Fleming Jr. Mystère...
Soutenu par une bande originale pop-rock plutôt sympathique, “Elle est trop bien” était pourtant déjà démodé quand il est sorti. On le classerait bien en plein dans les années 90 s’il ne tentait pas parfois de nous faire rire avec des situations et remarques un peu graveleuses. “Mary à tout prix” était passé par là mais “American Pie” n’était pas encore arrivé (quelques mois plus tard). “Elle est trop bien” est donc un hybride qui assume pleinement son côté teen-movie romantique de l’époque “Dawson’s Creek” (série dans laquelle Rachael a fait une apparition d’ailleurs) mais en flirtant avec un humour que le réalisateur ne maitrise visiblement pas. Robert Iscove a fait bien pire dans le dégueulasse en enterrant le peu de romantisme présent dans son oeuvre suivante “Boys and girl”, mais ce n’est pas le propos ici.
Pour les collectionneurs : Il existe quelques “props” en circulation (ce sont des accessoires, morceaux de décors ou costumes ayant servi sur le tournage) vendus par des magasins américains ou anglais tout à fait fiables. Je recherche de temps en temps leur trace sur internet pour voir si de nouveaux objets apparaissent. Pour le moment, j’ai recensé le yearbook du lycée, la collection de pinceaux de Laney, deux de ses trophés de concours (qu’on aperçoit dans sa maison) et deux petits mannequins articulés en bois (vu au début du film). Il est tout à fait probable que des accessoires plus importants, comme les vêtements des personnages (la robe de Laney ou le Teddy de Zach) aient été gardés par les acteurs ou tout simplement jeté, mais rien n’interdit de croire qu’ils sont chez un collectionneur de ce genre d’objets.
“Elle est trop bien” regorge d’éléments inutiles ou modifiables. Quand Zach rend visite à Laney dans son garage pour partager ses doutes sur son orientation, j’ai tout le temps envie de crier “MAIS ON S’EN TAPE DE TON UNIVERSITÉ !!!” Quand Laney travaille sur son tableau rendant hommage à sa mère, j’ai l’impression qu’elle la haïssait tellement son oeuvre est laide ! C’était pas compliqué de demander l’avis d’un artiste, il fallait que ça évoque autre chose que de la chair en putréfaction mélangé à un clown qui fout les boules ! Vous imaginez si dans “Save the last dance”, l’héroïne dansait comme un pied ? Ben là c’est un peu l’équivalent.
Les créateurs de ce film avaient un boulevard d’intrigues secondaires s’étendant devant eux et ils ont choisi de développer les interrogations pourries de Zach et le conflit bidon qu’il a avec
son père à propos de l’université Darthmouth, on y croit même pas une seconde, ça pue de A à Z ! Laney a un petit frère pré-ado (Simon), il fallait développer une intrigue amoureuse secondaire
avec une jeune fille de son âge ! Et puisque je suis lancé, la séquence absolument dégueulasse avec la Pizza dans la cantine du lycée, il fallait la dégager du montage ! Zach y défends Simon qui
se fait embêter par deux crétins sans se rendre compte que Laney assiste à la scène. Cette séquence, en plus de nous dégouter, ne sert qu’à nous redire ce que l’on sait déjà : Zach tiens
sincèrement à Laney. En réalité, ce film serait un candidat idéal au remake, il s’agit juste de ne pas refaire les mêmes erreurs. Il faudrait développer une histoire plus romantique et moins
macho, où le personnage de Zach se laisse embarquer dans un pari par obligation et non parce qu’il n’a rien d’autre à foutre de sa vie. Il faudrait que le meilleur ami de Laney ait une véritable
relation avec la soeur de Zach et que Dean soit bien plus dangereux. Enfin, il faudrait donner plus d’importance aux lieux et revoir l’intégralité des dialogues.
“Elle est trop bien” n’a pas à rougir de son score au box office par
rapport à d’autres teen-movies de 1999. Son nombre de fans Facebook n’est pas très parlant car il y a pourtant des tas d’articles, parfois très longs et en anglais, qui décryptent le
film point par point comme si c’était une œuvre d’auteur. Apparemment, il a fait mieux que le cultissime “Sexe intentions” au box office mondial. Mais évidemment, c’était compliqué de lutter face au rouleau compresseur que fut "American Pie". Vous pouvez vous référez au tableau ci-dessous, mais si vous n’êtes pas convaincu par les chiffres que j’ai
trouvé, regardez plutôt ici.
Films |
"Elle est trop bien" |
"Sexe intentions" | "American Pie" |
144 600 fans |
544 800 fans | 9 000 000 fans | |
Budget | 10 M$ | 10,5 M$ | 11 M$ |
Box-office mondial | 103 M$ | 76 M$ | 235 M$ |
“Elle est trop bien” est imparfait, et c’est aujourd’hui ce qui fait sa
force. Ce film souffre de mauvais acteurs, de mauvais dialogues et de situations ratées, mais il a pile le compte d’éléments positifs pour être le petit plaisir coupable d’un dimanche après-midi.
Je pense que si je le montre a une adolescente dans 15 ans, elle le regardera comme elle regarde “Dirty dancing” qui, lui aussi, est bourré de défauts mais dont on se fout royalement, car le compte de scènes cultes y est et que la bande-originale
est géniale. Attention, je ne cherche pas à comparer “Dirty dancing” et
“Elle est trop bien”, c’est juste un exemple, ne lis pas ce que je n’ai pas
écrit.
Récemment, j’ai écrit un avis sur “Si je reste” avec Chloë Moretz, un film que j’ai trouvé très moyen mais pour lequel j’ai reconnu que si je l’avais vu en pleine adolescence, il aurait eu une tout autre signification pour moi. J’ai vu “She’s all that” à l’adolescence et, bien que je sois très conscient de sa nullité, je ne peux pas m’empêcher d’éprouver un sentiment de bien-être quand je le regarde. Non seulement il me rappelle ma jeunesse, mais son univers aseptisé et la jolie Rachael Leigh Cook sur des airs de Remy Zero, Fatboy Slim et Sixpence None The Richer me réconfortent, comme un petit “Love Actually"/chocolat chaud à deux en hiver.
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Cloch3tt3 (dimanche, 09 novembre 2014 09:22)
Très sympa cet article. J'ai aussi vu ce film à l'époque de sa sortie sans trop l'ébruiter. Je l'ai trouvé bien lisse, cousu de fil blanc, extrême opposé d'"American beauty", sorti la même année, non? Depuis, j'ai retrouvé Rachael Leigh Cook dans "Perception", série que j'adore. C'est un film d'époque,selon moi, conçu pour faire rêver les jeunes filles.