Coeurs ennemis - 2019
Réalisé par James Kent
Avec Keira Knightley, Jason Clarke, Alexander Skarsgård...
Durée : 1h48
Titre original : The aftermath
Synopsis : Hambourg, 1946. Au sortir de la guerre, Rachel rejoint son mari Lewis, officier anglais en charge de la reconstruction de la ville dévastée. En emménageant
dans leur nouvelle demeure, elle découvre qu'ils devront cohabiter avec les anciens propriétaires, un architecte allemand et sa fille. Alors que cette promiscuité forcée avec l'ennemi révolte
Rachel, la haine larvée et la méfiance laissent bientôt place chez la jeune femme à un sentiment plus troublant encore.
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Un avis
En voyant la bande annonce de "Cœurs ennemis", j'ai tout de suite été emballée. Il faut dire que le film semblait cocher pas mal de points
dans ma checklist du "film d'amour parfait": une grande passion amoureuse et potentiellement destructrice (check!), une histoire humaine qui s'inscrit dans la grande Histoire (check!), une belle
reconstitution historique (check!), au moins un de mes acteurs de cœur pour le cinéma romantique (check!), et un bon potentiel pour faire couler quelques larmes (check!). Et puis, bien sûr,
j'avais tout de suite repéré ce petit côté "Reviens-moi", véritable perle parmi les films d’amour. Alors, ticket gagnant
? Malheureusement, c'est en fait une semi-déception pour moi.
Ce drame est l'adaptation d'un livre de Rhidian Brook, qui se serait inspiré de l'histoire de son grand-père. On ne compte d'ailleurs plus le nombre de films tirés de roman... Les scénaristes de
films romantiques manquent-ils à ce point cruellement d'inspiration pour devoir si souvent se baser sur des œuvres littéraires ? Mais revenons-en au film. On plonge donc dans une Allemagne
totalement dévastée, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Si des histoires d’amour sous l’occupation allemande ont souvent fleuri, l’occupation de l’Allemagne par les Alliés n’a été
que peu abordée au cinéma. Pour la reconstitution historique, c’est clairement réussi, on est directement plongé dans cette terre désolée, jonchée de ruines, ou les survivants sont empêtrés dans
la misère la plus totale et où l’inimitié et les rancœurs sont encore bien présentes. Le film évite intelligemment les grands poncifs manichéens et c’est un des éléments que j’ai préférés dans le
film. Au sortir d’un conflit si violent et meurtrier, on réalise que les deux camps ont été cruellement meurtris et que la souffrance et les pertes douloureuses ne sont pas l’apanage des uns ou
des autres.
Keira Knightley est, comme toujours, excellente. Elle nous livre une interprétation vibrante grâce à son jeu tout en délicatesse et en non-dits. On ne peut que compatir avec cette femme détruite
par la pire épreuve que vie puisse nous infliger. On partage ses blessures, son dilemme intérieur, son évolution. Alors que Rachel a un besoin criant d’aide et de soutien, Lewis, son mari, se
montre froid, fermé, distant et absent. Elle se retrouve seule dans cette maison, contrainte de cohabiter avec un Allemand dont elle se méfie qu’elle tient pour responsable de son malheur du
simple fait de sa nationalité.
Pourtant, c’est finalement cette peine qui va la rapprocher de Stephan, car tous deux ont perdu un être cher dans un bombardement ennemi. Outre l’attirance mutuelle rapidement palpable, leur
relation adultère va surtout se fonder sur ce qu’ils vont pouvoir s’apporter l’un à l’autre pour affronter cette terrible épreuve. Cependant, je n’ai pas eu l’impression que Rachel tombait
réellement amoureuse de Stephan et j’avoue que ça m’a assez dérangée. J’ai plutôt vu une femme qui avait terriblement besoin de réconfort, de tendresse, de se sentir aimée et désirée, d’une
présence forte et rassurante auprès d’elle, d’une épaule sur laquelle pleurer, de quelqu’un avec qui partager sa tristesse, d’un espace pour réapprendre à respire, pour se reconnecter tout
simplement à la vie. Et oui, Stephan va lui apporter tout cela avec la plus grande des douceurs, avec à la fois beaucoup de délicatesse et une passion dévorante. Mais est-ce réellement de l’amour
? Si j’ai cru à la sincérité des sentiments de Stephan, je n’ai pas été réellement convaincue par ceux de Rachel. J’y ai davantage vu une femme au bord du précipice et qui s’accroche à cette
passion pour survivre qu’une femme sincèrement amoureuse. Et du coup, la relation manque de profondeur et est un peu décevante. Selon moi, il y a bien une grande histoire d'amour
qui se joue, mais elle n'est pas là où on le croit.
J’avoue également avoir été assez mal à l’aise et attristée pour Lewis, qui ne mérite pas ça. On finit par comprendre qu’il est tout autant déchiré que son épouse par le drame auquel ils ont dû
faire face. Quand on est frappé par une tragédie aussi terrible, il n’y a pas de bonne manière de réagir. Chacun essaie d’y survivre à sa façon, de se protéger comme il le peut de la douleur.
Lewis a juste choisi un chemin qui l’éloigne de Rachel. C’est sans doute le personnage le plus fondamentalement bon de l’histoire, même si on comprend que cette bonté est intolérable pour Rachel.
A mon sens, ce film est avant tout l’histoire d’un horrible drame humain et familial.
Autre problème, certains aspects de l’histoire et certains personnages ne sont en définitive que survolés, menant à quelques incohérences et à des scènes qui semblent gratuites, faute de contexte
et d’explications. Les personnages de Braker et Albert, notamment, sont totalement sous-exploités. J’aurais par exemple aimé que la relation entre Freda et Albert soit approfondie, mieux
comprendre certains comportements de Freda et ses revirements, que les motivations d’Albert soient davantages explicitées ou encore en savoir plus sur Braker. Certains événements importants ne
produisent pas l’effet escompté car ils semblent tombés de nulle part. L’évolution de certains personnages m’a aussi parue sans nuance.
Reste une photographie magnifique et de superbes plans, une mise en scène élégante et des jeux de contraste et de lumière particulièrement réussis. Il se dégage aussi une douce sensualité de
l’ensemble et un souffle romanesque. Last but no least, on découvre une nouvelle robe iconique, encore plus somptueuse que la robe verte de « Reviens-moi » (enfin, ça c’est une question de
goûts).
Ne te méprends donc pas, graine de lover, il s’agit d’un très beau film que tu regarderas sans doute avec plaisir. Mais c’est comme s’il manquait quelque chose pour que l’ensemble prenne vraiment
et pour en faire un grand film d’amour. Ou alors, peut-être que j'en attendais tout simplement trop...
A déconseiller aux lovers allergiques aux histoires d’adultère.
A conseiller aux amoureux de drames humains sur fond historique.
Conclusion
+ Keira Knightley, parfaite, comme toujours
+ Une belle reconstitution historique sur un pan assez méconnu de l'après-guerre
+ Beaucoup d'émotion
+ Un film profondément humain, loin des clichés manichéens
+ Une photographie magnifique et des plans magistralement maîtrisés
- Plutôt grand drame familial qu'une grande histoire d'amour
- Un adultère qui met un peu mal à l’aise
- Quelques incohérences dans le scénario et le côté un peu "gratuit" de certaines situations
- Plusieurs personnages secondaires et certains événements ne sont qu’esquissés et c’est bien dommage.
Les moments de complicité et de rêve de bonheur à deux, dans un chalet, sous la neige. Ou alors, la toute dernière scène. Chacun jugera selon sa sensibilité.
Bande-annonce
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Tibo (mercredi, 29 janvier 2020 20:17)
Beau film qui aborde principalement préjugés, contradictions et surtout courage pour une cause commune au détriment de la vie personnelle.
La romance adultère semble bien en retrait des drames familiaux, pour ce qui nous intéresse ici (7/10). Pourtant c'est bien elle qui va faire jaillir les émotions, nous révéler le véritable amour et au final les sauver tous !